Quand animer un atelier réveille de vieilles croyances...

Dans le cadre d’une Intervision, j’ai proposé à mes collègues de formation d’animer un atelier sur le modèle du « Soi-en-Relation » de R. Erskine, communément appelé « le diamant ».

Afin de mieux comprendre les raisons qui m’ont poussée à faire cette présentation, puis à en faire le sujet de mon attestation, je dois commencer par relater les circonstances qui m’ont amenée à prendre cette décision.

En janvier 2020, je reçois un mail mentionnant l’organisation d’un congrès qui devait se tenir à Sète en novembre de la même année dont le thème est :

« Liberté, Autonomie : Grandir dans un monde connecté et interdépendant » 

L’IFAT sollicitait des personnes désireuses d’animer un atelier sur ce thème. A la lecture du message, un paragraphe a tout de suite attiré mon attention :

« Les personnes en formation en analyse transactionnelle peuvent proposer un atelier dans le cadre d’une co-animation avec un/e analyste transactionnel/le certifié/e »

Je me suis donc empressée d’en parler à ma formatrice et lui ai demandé si elle était d’accord d’animer cet atelier avec moi. Évidemment qu’à ce moment-là, j’étais bien loin d’’imaginer les enjeux qui allaient émerger de notre collaboration, pensant uniquement à partir de mon « Enfant », enthousiasmée à l’idée de co-animer un atelier et de vivre une nouvelle expérience.

Toutefois, la joie et l’excitation éprouvées ce jour-là se sont rapidement transformées en peurs et en rébellion les jours suivants. Mon scénario me rattrapait, alors que ma formatrice relevait le degré d’exigence que peut comporter un atelier de congrès, renforçant ainsi mes croyances : « je ne suis pas capable, je ne suis pas importante, je ne vaux pas la peine, je ne suis pas à la hauteur, … ».

Quelques jours plus tard, nous nous sommes à nouveau réunies pour faire le point sur notre partenariat. Ma formatrice m’a encouragée à partager ce qui m’avait blessée et dévalorisée, relevant l’importance de le faire si nous voulions profiter de cette expérience pour en faire une source de croissance pour moi. 

Au début, il m’a été difficile d’« oser » partager mon vécu interne. Puis, mise en confiance, j’ai pu lui exprimer mes interprétations faites à partir de mon « Enfant » blessé et découragé, telles que « elle ne veut pas travailler avec moi, elle ne me fait pas confiance, etc. ».

Finalement, nous avons pu contractualiser qu’en échange de mon honnêteté, elle s’engageait à faire des pointages réguliers pour voir comment se passait notre collaboration.

Par la suite, il m’est arrivé bien souvent de « ne plus vouloir », puis de « vouloir ». Et, lorsque je m’étais enfin décidée à relever ce défi, l’IFAT nous annonça, qu’en raison de la crise sanitaire, le congrès était reporté en 2021. Soulagement ? Déception ?

« Ce que j’ai découvert avec toi, c’est que tu vas toujours où tu as besoin d’aller pour grandir »

Ces quelques mots de ma formatrice m’ont donné l’élan de rebondir et de proposer à mes collègues de formation la présentation de l’atelier sur lequel nous avions collaboré, elle et moi.

Avec le recul, je m’aperçois une nouvelle fois combien la vie peut être bien faite, sachant qu’elle nous amène là où nous devons aller et surtout au moment où nous sommes prêts à y aller. Ce report était donc bénéfique à ma croissance, puisqu’il me permettait d’investir pleinement la fonction d’animatrice lors de futurs ateliers avant de co-animer de manière efficiente un atelier de congrès.

C’est ainsi qu’une dizaine de jour avant notre séance d’Intervision, j’ai informé mes collègues du rôle que j’occuperais, ainsi que l’objectif de la soirée :

« En tant qu’animatrice de notre intervision qui aura lieu le 26 octobre 2020 de 19h00 à 21h30, à mon domicile, je propose de vous présenter, en avant-première, l’atelier que je vais co-animer lors du congrès organisé par l’IFAT à Sète. Il y aura la présentation d’un outil AT et quelques exercices à faire seule, puis en duo. Il est toutefois évident que je suis ouverte à d’autres propositions, donc n’hésitez pas à m’en faire part avant l’intervision ».

Les personnes répondant présentes ce soir-là ont validé l’objectif préalablement défini, témoignant leur intérêt, ainsi que leur enthousiasme à participer à cet atelier. 

Afin de contractualiser cette soirée d’Intervision, je me suis appuyée sur les trois contrats de Berne, lesquels précisent le déroulement de la soirée, la méthodologie et le concept AT abordé.

  • Au niveau administratif, la date, l’horaire et le lieu avaient clairement été définis lors d’une séance précédente. Sur les sept participantes, deux se sont excusées, dont la secrétaire. Nous nous sommes accordées pour que l’une d’entre nous prenne le procès-verbal.
  • Au niveau professionnel, je reprécisé l’objectif de la soirée et son déroulement :

 

19h00-19h30 tour de groupe

19h30-20h15 présentation du diamant

20h15-20h30 exercice seule

20h30-21h00 échange en grand groupe

21h00-21h30 tour de groupe

Durant le tour de groupe, nous avons convenu ensemble que les questions pouvaient être posées à tout moment.

  • Au niveau psychologique, j’ai veillé à ce que chacune respecte les règles de groupe énoncées dans le contrat de fonctionnement précédemment établi.

 

Lors de cette soirée, de nombreux enjeux se sont profilés à mon esprit. Suis-je à la hauteur ? Suis-je capable ? Ai-je le droit ?

Toutes ces interrogations m’ont fait douter de mes compétences, de ma capacité à animer un atelier et ont fait émerger de vieilles croyances :

Sur moi :

Je ne suis pas importante

Je ne suis pas à la hauteur

Je ne vaux rien

Sur les autres :

Les autres savent mieux que moi

Les gens sont trop gentils pour être honnêtes

Personne ne m’écoute

Sur la vie :

La vie est dure

Dans la vie, c’est chacun pour soi

On est toujours tout seul

Or, durant ma présentation et grâce au contrat clair, j’ai pu tenir une position de vie +/+ au niveau social, contrastant avec ce que je ressentais intérieurement en lien avec mon scénario. Je me suis retrouvée dans une position de vie -/+ au niveau psychologique avec un « Enfant Adapté Soumis » craignant le jugement et le regard du « Parent Normatif négatif » de mes pairs.

En fin de compte, animer cet atelier m’a permis de saisir l’importance du contrat et son côté protecteur, puisqu’il légitimait ma position de vie +/+ au niveau social.

Durant la présentation, je me suis sentie envahie par un besoin de perfection, perdant tout sens objectif de la situation dans laquelle je me trouvais.  J’ai rapidement eu l’impression de ne plus rien contrôler, ressentant un sentiment d’échec et pensant ne pas être à la hauteur de leurs attentes, voire même de ne pas prêter assez attention à la relation, trop absorbée par mon support papier. 

Lors du tour de groupe final, mes collègues m’ont adressé de nombreux signes de reconnaissance conditionnels et inconditionnels positifs que je n’ai pas entendus, trop préoccupée par mon vécu interne. Mon filtre à signes de reconnaissance était en train de renforcer mon scénario et je méconnaissais ma faculté à animer, à rendre intéressant, à présenter, voire même à partager.

La réalité de ce moment me semblait à mille lieues de ce que j’avais connu par le passé. J’écoutais distraitement les retours qui m’étaient faits me demandant s’ils m’étaient réellement destinés. J’étais incapable de les accueillir, ni de les intégrer comme une marque de confiance et de réussite. Mon système de scénario s’immisçait subrepticement à mon esprit.

Sous l’influence de mes croyances limitantes, je ne pouvais tout simplement pas imaginer que l’on puisse reconnaître mon travail, ni la manière dont je l’ai fait, étant dans l’illusion de ne pas avoir été à la hauteur, d’avoir simplement échoué.

Comment transformer ce sentiment d’échec pour en faire une expérience bénéfique à ma croissance ?

Je me sentais une nouvelle fois bloquée dans mon système de scénario habituel à écouter mon « Parent Critique » me dévaloriser, jusqu’au jour où ma superviseuse a rejoint ma « Petite Fille » découragée et impuissante et lui a dit : « si toi tu ne te souviens plus des signes de reconnaissance que tu as reçus, tu peux aller les demander ».

En m’exprimant ces simples mots, elle me donnait la permission de faire ce dont j’avais besoin, afin de garder l’élan de poursuivre et demander à mes collègues un retour écrit des signes de reconnaissance dont je ne me souvenais plus.

C’est ainsi que j’ai mobilisé mon « Adulte » pour faire de cette redécision quelque chose de relationnel.

Ainsi, j’ai pu lire attentivement tous les signes de reconnaissance reçus à la fin de ma présentation, m’en imprégner, puis les intégrer progressivement.

De ta présentation, j’ai aimé :

  • Le partage de ton propre vécu. Ça m’a donné la permission de moi aussi être honnête avec moi-même, comme tu l’as été toi. Tu as librement partagé ton expérience, et surtout aussi les moments difficiles, sans te cacher ou avoir honte. Tu as été authentique et cette authenticité m’a touchée. Ça donne une permission, celle de se regarder en face sans honte, en acceptant ses blessures et, s’il y a de la honte, d’aller voir ce qu’elle dit de notre histoire. 
  • La présentation du diamant avec des tableaux différents (pôles ouverts, fermés, etc.) et des exemples à chaque fois pour chaque pôle. Cela m’a permis d’améliorer ma vision générale du concept du diamant (étant visuelle, j’aime bien les graphiques)
  • Ta clarté dans ta présentation. Tu as été claire et concise dans tes explications, tout en amenant le dialogue, le partage et la discussion entre toutes. On s’est posé des questions, sans toujours avoir les réponses, mais en « cheminant ensemble ». 

 

J’ai beaucoup apprécié :

  • Ton exemple qui m’a donné la permission de prendre le mien.
  • Tu étais bien en lien avec nous.
  • C’était clair et j’adorerais que tu nous présentes ainsi d’autres concepts.
  • La présentation (ton PowerPoint) était vraiment stimulant. 
  • Et tu avais l’air d’avoir fait ça toute ta vie (pas de cafouillage ni de stress visible)

 

J’ai beaucoup aimé ta présentation :

  • Tu avais l’air à l’aise de nous parler de ce sujet ; ton exposé semblait très fluide et clair.
  • Au niveau théorique concernant le diamant, tes explications et exemples concrets des différents pôles m’ont aidée à mieux intégrer ce modèle que je ne trouve pas évident au premier abord.
  • Les 3 schémas que tu nous as envoyés par la suite amènent aussi de la clarification sur ce que signifie chaque pôle et à nouveau c’est une grande aide qui me paraît indispensable pour aborder ce diamant.
  • Tu as aussi rendu ton exposé vivant et passionnant par ton propre vécu que tu nous as partagé ; j’ai beaucoup aimé.
  • J’ai eu de la difficulté à trouver une critique à te faire car j’ai été complètement captivée par ton propos ; ce qui me fait dire qu’il y avait de la cohérence et beaucoup d’implication dans ton travail.
  • Encore bravo !!

 

En relisant ces messages, j’ai enfin pu ressentir un sentiment de satisfaction. Je m’autorisais progressivement à être fière de moi, sans être dans la vantardise ou l’arrogance.

Je retrouvais mon élan créatif que je n’ai pas réprimé par une force qui aurait pu me dire : « non, non, ne le fais pas, laisse tomber ». Inconsciemment, je mettais à jour une impasse de 2ème degré en désobéissant à l’injonction « ne sois pas importante ».

Animée de cette nouvelle énergie, j’ai ressenti le besoin d’aller vers l’autre, le désir de tendre vers plus d’autonomie et l’élan pour renouveler l’animation d’un atelier et d’en faire une expérience réparatrice plutôt qu’un moment chargé émotionnellement, lequel aurait renforcé mon système de scénario.

J’ai conscience des progrès que je fais chaque jour et je sais aussi que le chemin n’est pas fini. Que si je veux atteindre une maturité affective me conduisant vers l’autonomie, je dois prendre en compte les éléments de croissance ci-après :

  • Restaurer mon estime de moi pour « me faire de la place », me laisser m’épanouir en confiance et prendre soin de moi plutôt que de me brimer
  • Prendre soin de mes besoins, les écouter, les satisfaire et me donner la capacité d’agir pleinement sur la réalité au lieu d’agir en suivant les mécanismes appris dans mon enfance
  • M’accorder la permission de ressentir et d’exprimer mes émotions et mes besoins
  • Conserver mon élan de vie (= physis de Berne) qui peut parfois me faire défaut quand je bascule dans mon « Enfant » blessé et effrayé
  • Me laisser soutenir et oser demander de l’aide quand j’en ressens le besoin

Aujourd’hui, je peux voir le chemin parcouru et regarder avec un peu plus de bienveillance la petite fille que j’ai été et l’adulte que je suis devenue.